« Des astres au printemps » est une installation d’Hélène Bleys, présentée dans l’espace public de la métropole bordelaise par la Tinbox Galerie Mobile, jusqu’au 07 mars 2021. L’artiste a répondu à nos questions à l’occasion de cette exposition.
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1. Pourriez-vous nous raconter en quelques mots votre parcours ?
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Nancy en 2014, je me suis engagée l’année suivante dans l’association Ergastule, qui diffuse, édite et accueille des artistes en résidence de production à Nancy. En 2017, j’ai pu présenter mon travail au FRAC Lorraine et bénéficier du programme de résidence Air à la Kunsthalle de Mulhouse, puis d’y exposer l’an dernier.
Mon travail a également été visible en France et à l’étranger, (Épinal, Strasbourg, Shanghai, Séoul et Helsinki…). Depuis 2017, j’interviens régulièrement à l’École Nationale d’Art de Nancy, et 6 dessins figurent désormais dans les collections de l’artothèque de Strasbourg.
2. Votre pratique artistique semble être constituée de plusieurs mediums (dessin, peinture, céramique, installation…). Chacun a-t-il un rôle défini ?
Bien que la céramique ait pris une place importante dans mon travail ces dernières années, le dessin reste central et prépondérant dans ma pratique. Quel que soit le statut que je lui donne, c’est une pratique quotidienne et la source de ma démarche, j’ai grandi avec un crayon à la main et je ne l’ai jamais quitté. Pour moi, le dessin reste le premier geste réflexif, il saisit immédiatement mes pensées, c’est le chemin le plus court pour représenter et formaliser mes projets ou pour simplement m’occuper, je collectionne une quantité phénoménale de carnets remplis de listes et de dessins.
La céramique est venue ensuite dans le prolongement direct de ma pratique du dessin. J’y retrouve beaucoup de similitudes et plus particulièrement l’immédiateté du geste. La terre est une matière simple et rudimentaire qui offre une dimension supplémentaire à la ligne. La céramique et le dessin sont des pratiques qui se nourrissent l’une de l’autre, que je fais évoluer mutuellement dans un va et vient à la recherche de la ligne que je spatialise en faïence.
En ce qui concerne la couleur, qu’elle soit émaillée ou peinte, elle est plus arbitraire, elle surgit, s’impose ou officie comme un trait d’humeur ou une ambiance.
J’aime à envisager mon travail comme un environnement, mais les opportunités de pouvoir réaliser de telles installations sont rares et il n’est pas toujours facile d’avoir accès à l’espace nécessaire pour ce type de travail. Pourtant, je m’y emploie de plus en plus et la mise en scène de mes réalisations me préoccupe davantage. Les « sols, murs, plafonds » intègrent progressivement ma production, il s’agit du réceptacle de l’œuvre que j’aborde désormais dans sa totalité.
3. Vous inspirez-vous d’un mouvement artistique ou d’un univers particulier dans votre travail ?
Je crois que je m’inspire de tout, en dehors des hiérarchies et loin de toute formes de sacralisations culturelles. En cela, mon travail est influencé par la culture populaire, avec humour et un ascendant certain pour la représentation du vivant et de l’organique. Les livres d’histoires naturelles ou de physiologie côtoient les bandes dessinées et les livres d’art. Il est difficile pour moi de démêler toutes ces influences mais il y a indéniablement quelque chose de DADA, de surréaliste et si possible d’humour burlesque dans mon travail. Les utopies de William Morris, les Arts & Crafts et la représentation naturaliste de l’Art Nouveau imprègnent mes productions, tant dans la forme que dans le soin quasi artisanal de leur mise en œuvre.
Par contre, un univers fantasmagorique s’impose toujours, en cela Melies me fascine tant il déborde d’inventivité et d’imagination pour créer des décalages avec la représentation du réel. La liste est incomplète, les auteurs de Gospel at midnight côtoient Philippe Mayaux, Genesis Belanger se mélange à Topor et la troupe des Monty Python s’agrandirait avec Mrzyk & Moriceau ou Hernest Haeckel … Mes inspirations sont un joyeux mélange iconoclaste qui s’agrandit de jour en jour et au fil des rencontres…
4. Quel(s) message(s) ou quelle(s) histoire(s) souhaitez-vous raconter avec l’installation « Des astres au printemps », visible dans l’espace public de Bordeaux jusqu’au 07 mars 2021 ?
La TinBox m’a permis de mettre en scène et d’étoffer mon corpus d’œuvre en céramique. La forme rouge et un peu futuriste de la vitrine ont orienté cette installation vers une trame narrative proche de la science-fiction. Le caractère aérospatial de la box devient le réceptacle d’un récit d’anticipation, où l’herbe verdoyante aurait laissé la place à un sol aride et rocailleux. Il n’y a pas de message explicite, j’ai surtout voulu représenter un écosystème inédit, résultant d’une tentative de végétalisation fantasmée d’un sol à l’aspect âpre et peu fertile. Dans ce travail il n’y a pas de message clair, ni d’affirmation, mais le souhait de proposer au spectateur l’expérience d’un paysage onirique, étrange et je l’espère un peu fascinant.
À l’heure où l’avenir de la planète est pour le moins préoccupant, cette installation cherche à renouveler la perception de la nature, elle transcrit une métamorphose du vivant, son adaptabilité et sa robustesse. Dans ce terrarium hostile, des plantes inconnues, des fleurs mutantes et fières se dressent et colonisent malgré tout un biotope apparemment venu de loin.
Ce récit est suspendu à l’interprétation ; il s’agit de favoriser un dialogue en évoquant la flore sauvage qui résiste à nos espaces bétonnés ou les expériences des astronautes qui depuis 40 ans, tentent et réussissent parfois à cultiver des plantes dans l’espace. En somme, tout témoigne d’une nature triomphante.
5. Exposer dans l’espace public est-il pour vous une première ? Quelle(s) portée(s) cela peut-il avoir selon vous ?
Le musée de l’Image à Épinal m’avait déjà offert l’occasion de présenter une œuvre dans l’espace public en 2015.
C’est toujours agréable de savoir qu’un public élargi pourra sans s’y attendre découvrir une œuvre, enfin une bizarrerie qui ne répond à aucune injonction fonctionnelle. Je suis venue à l’art en gardant mon regard d’enfant et surtout en conservant mon goût pour la représentation et le dessin. Ce ne sont pas les fréquentations des musées et des galeries qui ont nourri mon goût pour les arts visuels, mais des rencontres inattendues avec des œuvres. Alors avoir la chance de provoquer des stimuli visuels à un public ouvert me réjouit, tant je cherche à m’adresser à un public large, sans hiérarchie sociale, ni barrières générationnelles.
J’aime l’idée que la Tinbox puisse offrir une parenthèse, un écart dans la ville, la résonance de l’artificialité de mon installation végétale avec sa proximité au jardin botanique fut également une belle opportunité.
6. Des projets en cours ou à venir ?
Oui, les projets s’enchaînent plutôt bien, en dehors de mon implication associative à Ergastule à Nancy. Je travaille actuellement à la réadaptation de l’installation « Des astres au printemps » pour la Factorine, un espace d’exposition fait d’une vitrine à l’architecture Art Nouveau à Nancy.
La FEW m’invite parallèlement à mettre en scène une prometteuse installation avec des enfants et à participer à leur parcours d’art contemporain à Wattwiller, Des ateliers en milieu scolaire se poursuivent dans l’Est de la France.
Nous travaillons également avec mon compagnon à la réalisation de notre première exposition d’œuvres réalisées à quatre mains. Ellle sera présentée à la rentrée à W à Pantin puis en 2022 à la galerie Modulab à Metz.
D’autres projets sont en cours de discussion, mais la situation sanitaire actuelle ne permet pas encore de confirmer les dates.
Propos recueillis par Julie Robuchon.
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