Lauréate de l’édition 2019 du Prix du centre d’art Chasse-Spleen (Prix organisé en collaboration avec BAM projects, membre de Bordeaux Art Contemporain), Cassandre Cecchella y présente actuellement « Il y a une minute du monde qui passe », une exposition uniquement ouverte sur RDV pour le moment. À cette occasion et suite à une précédente exposition présentée à la galerie BAM projects en septembre 2020, l’artiste-peintre a répondu à nos questions.
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1. Quel a été votre parcours ?
Après mon baccalauréat Littéraire option arts plastiques, j’ai réalisé un BTS Design de Produit à Toulouse. Je suis ensuite partie faire une première année aux Beaux-arts de Perpignan. Suite à un travail saisonnier, j’ai eu comme proposition de devenir responsable de magasin dans la grande distribution, j’y ai travaillé deux ans. C’est là que j’ai commencé à collecter les listes de courses que les clients abandonnaient dans les magasins. Cette démarche m’a rappelé ce lien qui me rattachait à l’Art. Lui que j’envisageai comme une rencontre, un prétexte pour aller vers l’autre mais aussi pour parler d’une époque et d’un quotidien.
J’ai repris mes études en troisième année à l’Ecole Supérieure d’Art Appliqué site de Tarbes, j’ai été diplômée du DNSEP en 2018. Lors de ces études, j’ai effectué beaucoup de stages dans les centres d’art de la région, ce qui m’a permis d’être embauchée, il y a un an, comme régisseuse au centre d’art contemporain Chapelle Saint-Jacques de Saint-Gaudens. Cette activité est indissociable de celle de peintre. Ensemble, elles me permettent de sans cesse re-questionner mon rapport à l’art, aux matériaux et à cette envie de monstration.
2. Pourquoi la peinture ? Quel regard portez-vous sur ce médium ?
En troisième année, la peinture était déjà présente, mais je souhaitais expérimenter divers matériaux, médium. C’est en quatrième année, que la question s’est posée : « Toi, Cassandre, qu’est-ce qui te passionne quand tu regardes une exposition ? De quels artistes es-tu envieuse, ou même jalouse ? ». À ce moment, c’était un dialogue entre « deux moi », je me devais d’être sincère. Et la réponse fut de suite les peintres. Je pouvais passer des heures à regarder de la peinture, chercher à comprendre les gestes, les matières, les couleurs… admirer les profondeurs et les lumières. C’est quand je regarde de la peinture que je rentre chez moi avec cette envie de faire et de créer.
3. Peindre des scènes du quotidien, la nature à la fois belle et réelle…Serait-ce osé de vous qualifier comme une héritière du mouvement impressionniste ?
Dit ainsi, ça me semble fort, ambitieux, prétentieux. Mais en même temps nous sommes tous des héritiers des époques passées. Ce qui est certain, c’est que je les ai beaucoup enviés. J’ai donc voulu voir, comprendre par moi-même quel intérêt il y avait à peindre en extérieur. Le paysage n’était vraiment pas mon sujet de prédilection. Je me demandais pourquoi le reproduire, alors qu’au quotidien je l’avais en face de moi et en gigantesque. Les peintures de paysages étaient pour moi ridicules face à la réalité. Mais je suis curieuse et j’aime vivre les choses pour les juger. À cette période, je faisais beaucoup de route, j’avais ces interrogations en tête et un jour sur l’autoroute, je me suis faite la réflexion « on n’a jamais vu personne peindre avec son chevalet sur le bord de l’autoroute, comme les impressionnistes, or c’est le paysage symbole de notre époque ». J’ai donc pris le chevalet, la toile, ma peinture et j’ai compris pourquoi. J’ai appris à observer, à regarder, à contempler réellement le paysage qui m’entourait. À chaque fois, je me dis que c’est cliché de dire ça, mais c’est la réalité : en fait, je n’avais jamais vraiment vu le paysage qui m’entoure, aujourd’hui grâce à la peinture, je peux dire que je le regarde, que je le rencontre.
4. En 2019, vous avez remporté le Prix Chasse Spleen. Quel impact ce prix a-t-il eu dans votre parcours ?
Le Prix Chasse-Spleen a été le premier Prix auquel j’ai candidaté et qui a été positif. Ça a été un réel « top » départ, une envie de me faire confiance. Céline et Jean-pierre Foubet, fondateurs du Prix, ont été sensibles, à l’écoute. C’est une chance que de pouvoir rencontrer des gens passionnés, qui ont cette envie de partager leur amour pour l’art avec simplicité. J’ai de suite senti une entière confiance de leur part, et rien de mieux pour soi-même se faire confiance. Il y a aussi et surtout l’équipe de BAM projects (Barbara, Alice et Marie), qui ont été plus qu’un accompagnement. Elles m’ont fait prendre conscience et connaissance de beaucoup de choses, que l’on ne voit malheureusement pas assez en École d’Art. J’ai envie de les remercier, tous les cinq, car ce sont de très belles rencontres et je ressens l’importance de ce Prix dans mon parcours d’artiste.
Grâce à ce Prix, j’ai pu envisager et réaliser une série de peintures sous Plexiglas que je voulais de grande taille mais aussi sur une grosse épaisseur (3cm). C’est un médium qui coûte très cher, surtout avec de telles dimensions et qui demande une manutention que j’aurai eu du mal à faire en atelier. J’ai donc produit à l’atelier La Réserve Bienvenue à Bordeaux, qui est un très beau lieu collectif. J’ai pu y rencontrer d’autres artistes et c’est toujours une chance de pouvoir travailler avec d’autres personnes qui ont une autre pratique. J’y avais un espace de travail qui me permettait de peindre et d’accrocher mes toiles. Et enfin, je suis rentrée dans deux collections, Le centre d’art du Château Chasse-Spleen et le Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, qui ont tous deux fait l’acquisition de toiles de la série « Vinci ».
5. En 2020, vous avez exposé à la galerie BAM project, et préparé une exposition personnelle au domaine de Chasse-Spleen suite à l’obtention de votre Prix. Pourriez-vous nous parler de ces deux projets ?
Les temps de l’accrochage sont de réels enjeux, surtout pour la peinture. Ces temps d’exposition m’ont permis de percevoir mes peintures en termes de série mais aussi en termes d’espace. Voir comment elles se parlaient entre elles, mais aussi comment je voulais les faire dialoguer avec les spectateurs. Je prends le temps de re-regarder chaque peinture. Où il n’est plus vraiment question de série mais de famille. Elles doivent être présentes ensemble, unies.
À BAM, nous avions choisi de présenter surtout des portraits, des scènes de vies et des paysages de vacances. C’était la fin de l’été, qui était passé bien trop vite, avec une période de crise. J’avais donc envie de prolonger ces notions de lumières, de couleurs, de chaleur, d’être ensemble. D’où le titre « Je la préfère en couleur », qui pouvait laisser sous-entendre beaucoup de chose avec le terme « la ». Je souhaitais laisser une part à l’imagination, à la narration, à la fiction.
Au centre d’art Chasse-Spleen, la série « Vinci » était attendue en tant que peinture à l’origine du Prix. J’avais plus envie de parler de paysage, de route, de direction, mais sûrement aussi d’itinéraire, de parcours. Dans cette exposition « Il y a une minute du monde qui passe », on peut donc y avoir des peintures de la série « Vinci », mais aussi celle des « Brouillons », « Google image » et enfin celle des Plexiglas « Les peintures surprises ». Elles nous parlent de couleurs, de motifs, de végétation. Mais elles sont surtout révélatrices d’un instant, d’un attachement à un détail de vie. Elles sont témoins.
6. Des actualités ou des projets à venir ?
Je viens tout juste de finir une résidence Hors les murs à Fiac, avec l’association AFIAC, sur une invitation d’Antoine Marchand. Lors de cette résidence, il m’a semblé important de prendre en compte la situation de crise actuelle. L’intérêt pour moi d’être artiste prend sens dans l’idée de montrer, c’est inenvisageable autrement. Et donc devoir créer quelque chose qui ne peut être vue me semble ridicule. Il fallait donc, que pour cette résidence, ce qui allait être produit soit visible, qu’importe les contraintes, les restrictions. Nous avons donc réalisé, avec les 98 élèves de l’Ecole du Figuier, une grande fresque sur un des murs de la cour. Sur trois semaines, nous avons ensemble, créé, imaginé, et peint la fresque. Il était important que les enfants soient avec moi sur tout le processus de création. Nous avons travaillé sur le thème du paysage, celui de Fiac, en lien avec la série « google image ».
En mai prochain, j’interviendrai dans le village de Ligardes, pour la 11ème édition de Chemin d’Art en Armagnac sur invitation de Solenne Livolsi. Il sera à nouveau question de paysage et de déambulation. Et j’ai été invitée par l’association Smoll pour réaliser une édition d’une dizaine de peintures qui sera présentée lors d’un évènement « one shot ».
Propos recueillis par Julie Robuchon.
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Exposition « IL Y A UNE MINUTE DU MONDE QUI PASSE »
Jusqu’au 20 mars 2021 au Centre d’art du Château Chasse-Spleen
Sur rdv uniquement, du lundi au vendredi, de 11h à 16h et en présence de l’artiste les 12 et 13 février et les 12 et 13 mars 2021
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