• Benjamin Juhel, ©️ Jérémie Petit

    Benjamin Juhel, ©️ Jérémie Petit

  • ©️ Benjamin Juhel

    ©️ Benjamin Juhel

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Benjamin Juhel, artiste photographe

L’artiste photographe Benjamin Juhel présente jusqu’au 6 février 2021 une exposition personnelle à l’Arrêt sur l’Image Galerie, « Poétique de la désillusion ». Trois séries de photographies sont exposées : « Les Abandons « , « Désillusion », « In Nomine Patris ». Benjamin Juhel a répondu à nos questions à cette occasion. 

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Pourriez-vous nous parler de votre parcours ? 

Né en 1984 en Normandie, j’ai étudié à l’école des Beaux Arts du Mans. Depuis 2005, je développe un travail photo et film, et je fais aussi des commandes pour des clients en publicité, mode, musique, avec ma société de production Maison Mouton Noir. Activité qui nourrit ma recherche personnelle.  J’ai régulièrement travaillé avec des danseurs qui m’ont transmis leur conception du mouvement et du rythme, partagé des temps de workshop avec artistes, étudiants, qui nourrissent aussi la construction de ma pratique.  J’aime la solitude de mes errances pour la réalisation de mes séries d’images, mais l’ensemble de mon travail existe aussi grâce aux nombreux échanges et rencontres vécus.

Trois séries de photographies sont présentées à Arrêt sur l’Image galerie : « Les Abandons », « Désillusion », « In Nomine Patris ». Pourquoi ces choix ? 

« Les Abandons », « Désillusion », et « In Nomine Patris » sont mes trois dernières séries réalisées. Ce sont des projets dans lesquels je pense affiner la justesse de ce que je souhaite montrer. Des images qui sont déclenchées par un regard critique sur la société, mais qui prennent forme comme fictions, comme tableaux poétiques. L’enjeu sociologique fait signe pour moi mais je souhaite rester à distance et fabriquer des situations. Société de consommation, Pouvoir, Sacré, Représentation sont des sujets qui me posent question.

Je retrouve aussi dans ces séries le goût du noir, de la pénombre. Il existe d’une part dans un rapport à la nuit, et donc aux errances tardives que je vis dans chaque ville pour réaliser ces images, au silence d’une sorte de hors temps social de la ville inactive. (Situation vécue sous une autre forme lors du confinement qui nous a proposé cette même rencontre avec le temps long et le silence). Cette plasticité très sombre, mais très nuancée, est aussi un jeu de lecture. En réaction avec ce que l’époque nous propose d’images vite reçues, envoyées pour être assimilées rapidement et sur de nombreux médias. Je propose donc de prendre le temps, de laisser nos yeux révéler l’image et les détails qui la composent.

« Les Abandons », « Désillusion », et « In Nomine Patris » composent donc trois formes d’appréhension de cette « Poétique de la Désillusion », une invitation à la contemplation, au temps long et silencieux.

Photographe mais aussi réalisateur : les processus d’imagination et de création sont-ils les mêmes ? 

Photographie ou film, c’est finalement la mise en scène et la fabrication des images qui m’intéressent. Les enjeux et intentions, le travail de repérages, casting… tout ce qui fait la production d’un projet, les règles sont un peu les mêmes pour un film ou des photographies. Dans mon approche, ce qui fait la grande différence, c’est le rapport au mouvement, au rythme et à la plasticité des images.

Ce transfert de l’image fixe à l’image mouvement pourrait paraitre une évidence, mais un film peut être simplement narratif sans vraiment avoir de consistance plastique.  Et parce que mon approche est au film chorégraphique, et plutôt sensoriel, j’ai besoin que cette différence de matérialité entre une photographie imprimée sur papier (dans mon cas, un papier qui accentue la sensation pictorialiste de mes images ) et un film projeté, ou sur écran, mais qui existera par la lumière, soit sensible.

Les enjeux et les méthodes de production sont donc très proches, mais je vais donc aller chercher dans la photographie plutôt un rapport à la matière, au pictorialisme, et dans le film, une physicalité par le rythme et l’univers sonore, la vibration.

Le thème de l’espace architectural et de la perspective prédominent-ils dans l’ensemble de votre œuvre ? 

Je pense que l’architecture en image induit la perspective et donc la sensation d’espace. Je m’intéresse à l’architecture de la même manière qu’au fait social. Elle est un déclencheur. Les lieux choisis font sens pour le rôle qu’on leur connait, l’imagerie qu’on leur attribue. Mon rapport à l’espace architectural est souvent un rapport de distance et d’échelle, parce qu’il y a projection de la mesure de notre propre corps, une approche chorégraphique. C’est cette sensation du corps existant, qu’il soit visible à l’image ou non, qui donne aux images leur pouvoir sensoriel ou narratif. Il s’agit donc bien de transmettre une forme personnelle de perception de l’espace.

Avez-vous d’autres actualités ou des projets à venir ? 

J’avance sur un projet toujours autour des contemplations et du silence. Ces questions m’intéressent, et la période que nous vivons m’encourage à continuer à travailler sur des images qui incitent au temps long et à la poésie. J’ai aussi des choses en cours au service d’autres projets créatifs, notamment des clips musicaux, et un tournage film avec les metteurs en scène Clarac & Deloeil pour l’Opéra National du Rhin. Projet que je réalise en équipe avec le directeur artistique Julien Roques. Je navigue entre projets très personnels et collaborations artistiques et je reste quelles que soient les contraintes de notre époque, très vivant et actif.

 

Propos recueillis par Julie Robuchon.

  • Benjamin Juhel, ©️ Jérémie Petit

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