Sculpteur connu pour son univers emprunt de culture pop, Lionel Scoccimaro présentait vendredi 29 novembre sa nouvelle exposition Almost Paintings à la Mauvaise Réputation. Un projet atypique autour duquel l’artiste répond à nos questions.
Comment définiriez-vous votre recherche plastique ?
Je dirais que tout mon travail est basé sur les savoir-faire : comment les techniques génèrent des formes, comment les techniques que j’essaye de développer seul s’enrichissent de savoir-faire d’artisans très particuliers. Tout mon travail est basé sur cet aller-retour entre ce que je peux réaliser en atelier et la façon dont je délègue une partie de la production ensuite. Il y a toujours une idée de mise en danger en allant rencontrer des personnes qui possèdent des savoir-faire périphériques de l’art, assez souvent en rapport avec les arts décoratifs et une tradition très française de certains savoir-faire comme la sculpture sur bois ou le soufflage de verre ou bien encore la fonderie. Mais aussi – comme pour l’exposition qui est représentée ici – des gens qui sont alors à l’opposé d’un rapport à l’art, qui sont fabricants d’objets. Ainsi, cette série là est faite en collaboration avec des shapers dont le métier est de stratifier des planches de surf.
Qu’est ce que cela implique comme choix plastiques et matériels ?
J’utilise tout type de matériologie. A chaque nouveau projet (et pas dans un rapport chronologique), il y a toujours l’idée d’aller se confronter à un savoir-faire différent. Je présente rarement au sein d’une même expo un médium vraiment unique, Almost Painting est très atypique. C’est un choix avec LMR de présenter de façon très stricte uniquement des peintures stratifiées que j’appelle des almost monochromes, ou presque monochromes.
Cette série des almost monochromes rend hommage à Lucio Fontana, c’est un artiste qui vous influence beaucoup ?
Ces pièces, qui sont des monochromes à l’huile, ne sont pas forcément des hommages à Lucio Fontana. Mais lorsque j’ai commencé de réfléchir au regard que je portais sur la peinture, je suis allé voir son travail sur le concetto spaziale. C’est un artiste qui m’intéressait dans le rapport que son travail de peinture entretient avec la notion d’espace. Je trouvais intéressant d’étudier la façon dont il travaille, parce qu’il a une pratique aussi développée en peinture qu’en sculpture. J’ai donc fait le choix pour cette série de peintures que j’ai commencée il y a 5 ou 6 ans de ne pas faire de choix subjectif de couleurs, et d’aller puiser dans le champ coloré que Lucio Fontana avait utilisé pour le concetto spaziale, en faisant des série de pièces qui se référent toutes à la chromie exacte de certains concetti spaziali. Pour cela, je scanne un de ses catalogues d’expo et je fais refaire après analyse précise des couleurs à l’huile.
Il y a quelque chose de l’ordre de l’hommage, mais ce n’est pas un hommage revendiqué. Je trouvais intéressant – en dehors du rapport conceptuel à son travail et du geste qu’il a commis – de voir comment soudainement, sa gamme chromatique était quasiment la même que celle d’un artiste pop. Alors que je le rattachais plutôt à une histoire italienne, peut être celle de l’arte povera même s’il n’y appartenait pas. Cela me permet de me dédouaner de ce rapport très pop que j’ai en général dans mon travail, en utilisant le champ coloré de quelqu’un d’autre, une gamme chromatique que je ne serais peut-être pas allé inventer. Cette idée du rapport des peintures que je réalise à la sculpture permet de prendre conscience du fait que ces objets échappent finalement au champ de la peinture. C’est la raison pour laquelle j’aimais prendre chez un autre ce rapport à la couleur.
Propos recueillis par Maëva Gourbeyre le mercredi 27 novembre 2019
Retrouvez le travail de Lionel Scoccimaro dans le cadre de l’exposition « Narcisse ou la floraison des mondes » au Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, du 7 décembre au 21 mars 2020