Vous êtes à la fois commissaire d’exposition indépendant, collectionneur et foncièrement investi dans plusieurs associations, pouvez-vous vous présenter sous l’angle de chacune de ces casquettes ?
Je suis devenu très vite collectionneur (depuis environ 20 ans aujourd’hui), et cela n’avait de sens que si je devenais véritablement acteur de la création contemporaine. La création d’une association avec une activité de commissaire s’est donc imposée, récemment doublée d’un commissariat et d’un engagement dans une autre structure artist-run space depuis 2 ans : Delta Studio à Roubaix, qui organise 4 expositions par an dont une est le fruit d’une résidence dans le lieu.
Vous avez créé un véritable réseau de diffusion de l’art contemporain dans votre région. Vos différents profils (collectionneur, commissaire..) interagissent-ils entre eux ? Comment fonctionne ce réseau de diffusion ?
Bien sûr qu’ils interagissent ! Régulièrement, je fais l’acquisition d’une ou deux œuvres de chacune des expositions dont je suis le commissaire. D’ailleurs, lors d’une invitation à présenter une partie de la collection à Bruxelles, le choix a été délibérément porté vers des œuvres qui soulignaient le parcours des expositions déjà accomplies tout en diffusant surtout le travail d’artistes peu connus ou non accompagnés par une galerie. Je pense que soutenir les artistes à leurs débuts, alors qu’ils sont démunis, est primordial et devrait être un des objectifs principaux des collectionneurs, plutôt que de montrer les « vedettes » de sa collection pour se faire valoir.
Quelle est la plus value apportée par votre profil de collectionneur à votre profil de commissaire d’exposition, et vice et versa ?
Pour ce qui est de l’apport du collectionneur au commissaire, j’emploierai deux termes : non formatage et liberté. Et le commissaire apporte beaucoup au collectionneur car chaque projet structure la collection et permet de ne pas sombrer dans une « compulsion » débridée ! ( Quoi que !!! )
Pouvez-vous nous présenter votre projet à la Base sous-marine de Bordeaux ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de concevoir une exposition dans ce lieu ?
L’exposition est née d’une invitation de mon amie Marie Fernandez (que je remercie ici encore vivement) qui travaille aujourd’hui à Bordeaux et avec qui j’avais déjà « commis » trois expositions pour la ville de Lille dans une vie antérieure. De plus, ce lieu est vraiment fantastique (d’ailleurs les artistes sont toujours bluffés quand ils y viennent), et l’opportunité de faire une exposition sur 2700 m2 ne se présente pas régulièrement. D’où mon adhésion totale dès la première visite.
L’idée de faire une exposition thématique sur l’eau s’est ensuite imposée, pour le lieu même de la Base sous-marine et son histoire ; mais aussi du fait que « médoc » vient du latin « medio acquae » : au milieu des eaux (entre le fleuve et la mer). De plus, à l’époque de l’esquisse du projet, tout le monde ne parlait plus que de la Cité du vin (d’où le petit pied de nez). Ensuite, la création d’une déambulation onirique m’est apparue comme une évidence pour effacer tout en la magnifiant la très forte présence de cette « cathédrale » de béton qu’est la Base sous-marine. Le lieu m’a imposé certains formats, et je voulais d’emblée « embarquer » les spectateurs, les arracher au monde oppressant qu’est le nôtre en ce moment, les emmener en voyage, comme dans un rêve… !!!! Pour enfin les ramener doucement à la réalité avec les trois dernières œuvres, tout en leur disant de résister sans relâche avec le travail de Claude Cattelain qui clôture l’exposition.
Dans quelle mesure est-il possible de transposer votre réseau de diffusion de l’art contemporain à Bordeaux et dans notre région ?
Il suffit de m’inviter à nouveau !!!!!!!!!!! J’ai profité de mes venues successives pour rencontrer les artistes régionaux dont l’un, Pierre Clément (aujourd’hui résident de La Réserve – Bienvenue), faisait déjà partie de ma collection. Le travail de Laurent Valera, autre artiste bordelais, est présenté dans l’exposition après suggestion de Sabrina Daniel Calonne, cheffe de service des arts visuels de la ville de Bordeaux. Je pense que certaines connexions naissantes ne demandent qu’à s’épanouir.
Propos recueillis par Cécile Olléac
Exposition : Médio Aqua, Base sous marine de Bordeaux