• Pauline Castra, 2020 © Katrin Binner, portrait

    Pauline Castra, 2020 © Katrin Binner, portrait

Précédent Fermer

Pauline Castra, artiste

L’artiste et sculptrice Pauline Castra réalise le projet “Us & Bitume”. Un projet éco-citoyen au sein des quartiers des Aubiers et de Ginko durant l’été 2022, avec l’accompagnement de l’agence BAM projects. À cette occasion, nous lui avons posé quelques questions.

____________________

Pouvez-vous parler de votre parcours ?

Je m’appelle Pauline Castra, originaire des Landes, je vis aujourd’hui sur Bordeaux. Plasticienne, je réalise des sculptures et installations, fruit de divers assemblages et de la rencontre de divers matériaux glanés, prêtés, voire empreintés. Aussi, de plus en plus, je réfléchis des pièces en contexte, pour un lieu ou en écho. Ainsi, j’ai pu réaliser des projets tels que Tout le monde se repose ici sauf moi : installation réalisée en 2019, en collaboration avec l’association Coop et l’ESABP, Bayonne. Cette pièce éphémère se voulait un moyen de réparer une histoire quelque peu malmenée en restaurant un regard sur la collection de plâtres de l’école d’art de Bayonne, ou bien Panser-Classer : installation réalisée en 2020, fruit de la résidence IEPA#4, échange artistique entre Nekatoena (Hendaye) et Basis (Francfort). Cette pièce présentait des empreintes en cire de vestiges architecturaux découverts au Steindepot de Francfort (les réserves muséales de la ville). Aussi depuis plus d’un an, j’exerce au sein des ateliers partagés de Panoramas (Lormont). C’est d’ailleurs, dans ce contexte, que j’ai rencontré Marie Ladonne qui codirige Panoramas mais aussi BAM projects. Nos divers échanges m’ont ainsi amenée à penser Us & Bitume : projet artistique et éco citoyen imaginé en contexte pour le quartier des Aubiers et Ginko. Pour la première fois, au travers de ce projet expérimental, je mêlerai des publics à ma recherche artistique.

Dans votre démarche artistique, vous empruntez les codes de la fouille archéologique et de l’architecture antique ou médiévale : d’où provient cet attachement à l’archéologie, à l’histoire ?

Je ne sais pas réellement, pour être honnête, d’où pourrait provenir cet attachement. Mais j’ai toujours été intriguée par la capacité des objets à être des révélateurs de ce que nous pouvons être, pouvoir faire histoire, tout du moins d’en témoigner. Et ce n’est pas tant la question de la mémoire qui m’intéresse, mais davantage le processus qui peut s’opérer autour de l’artefact. Du rebut au vestige, du banal au précieux, qu’est ce qui fait que telle ou telle forme se retrouve ainsi présentée dans ce musée et quel est le chemin qu’elle a parcouru pour arriver jusqu’à ce lieu, juste devant nos yeux ?

Pouvez-vous nous expliquer le projet Us & Bitume, et son lien avec le territoire des Aubiers/Ginko.

Au travers d’Us & Bitume, je souhaite porter une attention particulière au territoire au travers de ces rebuts qui jonchent le bitume des Aubiers et Ginko. Véritable champs d’investigation, il s’agit de récolter et répertorier un ensemble de matériaux : « des archives par anticipation ». Le titre fait d’ailleurs échos à cette idée ; d’un côté Us : l’envie de questionner les usages d’un territoire précis en observant ces rebuts, et de l’autre Bitume qui remplace l’habituelle coutume pour évoquer d’avantage ce champ d’exploration urbain et territorial.

Quel est le statut des déchets dans votre œuvre ? Comment allez-vous choisir les pièces à mettre en valeur ?

Je les vois comme de futures pièces à conviction : témoignages d’un temps de recherche in situ, mais aussi les preuves d’une histoire localisée. C’est à partir de ce répertoire matériel que je sélectionnerai celles qui m’intéressent davantage en vue de la réalisation de dispositifs sculpturaux futurs. Ce choix sera basé sur leur pouvoir d’évocation et sur leur attribut esthétique et formel.

Dans la continuité de votre réflexion sur les déchets et les objets du passé. Comment pensez-vous qu’on verra vos œuvres dans 100 et dans 2 000 ans ?

C’est difficile d’imaginer la portée de ma pratique artistique dans 100 ans, 2 000 ans. Si j’arrive à intéresser aujourd’hui, c’est déjà beaucoup je trouve. Puis, les sculptures que je réalise sont, la plupart du temps, précaire, vouées à exister pour un temps donné. Alors, peut-être mes œuvres seront-elles vues à leur tour comme des déchets. Enfin si elles résistent jusque là…

Comment allez-vous rassembler les habitants autour du projet ?

J’avais envie de les amener à comprendre mon processus de recherche artistique. Au-delà de mon intérêt pour la sculpture, l’idée est de les inviter à découvrir différents temps qui jalonnent mon processus créatif : la collecte de matériaux, l’étude et la manipulation de ces trouvailles. À la manière d’archéologues, de la fouille en passant par l’inventaire, les publics seront ainsi conviés à rassembler tout un corpus de matière qui servira ma recherche sculpturale.

Dans ce projet, vous vous intéressez à la relation entre le déchet, l’espace et les habitants. Quel impact souhaitez-vous avoir avec l’exposition de vos sculptures dans les vitrines du quartier en juillet et août ?

Je ne sais pas si on peut parler d’impact. Plus simplement, il s’agit d’attirer l’attention sur tous ces rebuts et formes qui nous entourent quotidiennement : « L’infra-ordinaire », comme l’écrit Georges Perec. En les recyclant, il s’agit de les faire exister autrement, telles des preuves scellées par un geste artistique.

  • Pauline Castra, 2020 © Katrin Binner, portrait

    Pauline Castra, 2020 © Katrin Binner, portrait