Du vendredi 15 au dimanche 17 novembre, le Collectif 0,100 présente trois expositions individuelles reliées en un parcours. Nous sommes partis à la rencontre d’Emmanuel Ballangé, Mirsad Jazic et Sophie Mouron, membres de cette coopérative d’artistes libre de toute contrainte structurelle ou dogmatique.
Quelle est la genèse du Collectif 0,100 ?
Sophie : On a commencé fin 2015.
Emmanuel : Depuis deux ans, je faisais des journées atelier portes ouvertes et je proposais à d’autres artistes de participer. Il n’y avait pas de commissariat, mais simplement la mise en œuvre d’une communication commune. Malgré tout, cela ne me satisfaisait pas complètement. Il était difficile de mélanger les différents cercles d’art contemporain. Et j’ai invité Sophie que je connaissais déjà – par le biais de nos enfants qui sont inscrits dans la même école. On a donc fait une 1ère exposition ensemble dans mon atelier. On s’est dit qu’on pouvait créer un autre projet ensemble.
Nous avons une base commune liée à l’art concret, aux construits, à l’abstraction géométrique. Notre pratique ne porte pas sur l’illustration, la figuration ou la narration.
Mirsad : Nous avons grandi à une époque où l’art conceptuel était pesant, et le réalisme peu présent. Dans ma classe, je ressentais des tensions entre les artistes proches de l’art abstrait et les artistes proches du réalisme.
Sophie : Bien que nous ayons un langage commun, l’idée n’est pas de se fédérer pour des affinités artistiques, mais plutôt d’articuler les différences. Avec 0,100, nous voulons sortir d’un certain isolement dû au fait qu’aucun de nous trois ne travaille dans un atelier collectif. On a joué des affinités mais aussi des différences et décalages, ce qui permet de questionner.
Car l’autre intérêt de ce collectif, c’est de se remettre en question. On ne travaille pas ensemble sur des pièces, mais sur des expositions que l’on considère comme des pièces à part entière. C’est à ces occasions que l’on se retrouve vraiment et que l’on travaille ensemble, en articulant chacune de nos pratiques individuelles. Ce travail en commun permet à chaque membre de se remettre en question, d’aller au-delà des limites que l’on se fixe soi-même. Et nous invitons des gens par affinité artistique, avec toujours cette idée de construire quelque chose ensemble.
Parfois, nous nous donnons aussi des orientations pour travailler. En produisant une exposition, il arrive que nous soyons obligés d’adapter un travail ou de le réorienter. Nous nous mettons alors dans une situation délicate, dans le sens où nous sortons de notre zone de confort.
Emmanuel : Notre difficulté principale est celle de construire une exposition sans être lié par un thème : comment faire quelque chose ensemble sans illustrer une idée ?
Sophie : Lorsqu’un artiste participe à une exposition collective, il présente une pièce. Mais une seule pièce ne suffit pas pour permettre aux visiteurs de rentrer dans le travail d’un artiste. Chaque œuvre intégrée à une exposition collective est détournée au service du thème de cette exposition.
C’est ainsi que Mirsad a été identifié comme peintre par exemple, alors que sa pratique ne s’arrête pas à la peinture. En plus des expositions collectives que nous avons l’habitude de présenter, nous voulions donner la possibilité aux visiteurs de rentrer dans le travail et de comprendre pourquoi à un moment donné Mirsad fait de la peinture.
Votre prochain projet consiste en une exposition parcours : trois expositions individuelles reliées en un parcours. Qu’allez-vous présenter ?
Emmanuel : Je vais faire des peintures in situ sur les murs de mon atelier à Floirac.
Mirsad : Je vais faire une sorte de petite rétrospective, rive droite, qui va expliquer en quelques travaux mon parcours. Un travail sur les chiffres, point de départ de mon travail. Des travaux que je n’ai jamais exposés, que j’ai réalisés il y a 15 ans mais qui sont toujours actuels. Pendant 15 ans, je n’ai pas exposé mais j’ai continué de travailler. Ce seront des petits formats, des impressions, des textes, des dessins, des collages…
Sophie : Et de l’autre côté du Pont de Pierre, je vais montrer une série photographique, sous forme de diaporama, qui s’appelle « Une seconde avant… une seconde après », dont une partie n’a pas encore été présentée. Et peut-être un autre volet de mon travail, dessins ou sculptures.
Le samedi 16 novembre, nous proposons d’accompagner les visiteurs sur le parcours dans un moment convivial. Nous commencerons par l’atelier à Floirac, puis continuerons le parcours rue de la Benauge pour terminer par un temps de vernissage commun rue Leyteire.
En parallèle, chacun mène des projets en dehors du Collectif…
Sophie : J’ai été invitée par Emmanuel Aragon et Marie-Sylvie Barrère pour le 3è volet de l’exposition « Doucement doucement » aux Archives de Bordeaux Métropole.
Ce projet nous donne une grande liberté, il se rapproche d’une résidence dans le sens où il nous permet de travailler sur place, de changer de projet, de rajouter. Le travail est mené en concertation avec les archivistes.
Les propositions des artistes invités sont très variées, en lien avec la grande diversité des objets conservés aux Archives : la brosse à dents de Napoléon, un crâne de rat par exemple ! Ce sont des fonds donnés, achetés ou légués.
Je présente une série de photos et d’œuvres sur papier.
Mirsad : Régulièrement, j’invite des artistes avec lesquels j’ai des affinités pour des confrontations ou des dialogues sur lesquels nous travaillons ensemble.
Patrice de Santa Coloma et moi allons opérer un dialogue à travers l’exposition de nos travaux qui possèdent plusieurs points de rapprochement (répétitions, déclinaisons, travail sériel) mais dont les rendus sont complètement différents l’un de l’autre.
Ces duos en dehors du collectif permettent de mettre en regard des démarches picturales.
Emmanuel : Le 8 novembre dans les locaux de Continuum, je présente avec Véronique Lamare une performance intitulée « A la butée », l’occasion de croiser deux intentions artistiques différentes.
3600000 mm, Une exposition parcours, du 15 au 17 novembre 2019