Le travail de Jeanne Tzaut prend source et forme dans une pratique de la déambulation urbaine. Elle collecte éléments, détails et fragments architecturaux, hétéroclites de toutes époques, qu’elle va ensuite synthétiser, sampler et exposer, en exploitant leurs qualités en terme de volume et de graphisme jusqu’à les faire volontairement basculer les unes vers les autres. Des points précis observés dans le réel vont se retrouver dé-re-placés, puis faire l’objet d’extrapolations dans le but d’augmenter l’abstraction de ses images dessinées et peintes. Par la suite cette collecte est mise en scène jusqu’à faire environnement dans le cadre des differentes interventions et installations conçues pour et dans les lieux qu’elle investit.
« VILLA POTEMKINE »* ne déroge pas au protocole évoqué précédemment. Cette exposition conçue spécifiquement pour l’espace d’art contemporain 5UN7 interroge la notion de décor mais aussi celle de son envers. En coulisses, Un « carton-plâtre » qui assume et expose ici sa matière, ses volumes et ses tranches sur le fil d’une image à la dimension acrylique faussement ludique ponctuée de « bizarreries ». Côté Jardin, le charme discret des façades pimpantes et apprêtées aux regards complices. Côté Cour, l’urbanité décalée, désuète et fondatrice se mêlant aux Nouvel(les) normes cosmétique contemporaine. Ainsi sont les champs lexicaux urbanistiques joyeux et décalés avec lesquelles Jeanne Tzaut s’exprime.
Le cache misère et son corolaire le pis-aller sont impropres à son regard. Car pour Jeanne, sur les trottoirs de notre beau paysage urbain, racolent avec charme tous les perrons en stuc, les façades de faïence, les promontoires en grès, les macarons en plâtre et les Patterns vernaculaires. Sur les murs décrépis mais ripolinés avec soin, l’illusion est » complète » , ces lieux hybrides dont la beauté fragile n’a d’égale que la temporalité éphémère s’expriment en hurlant à qui sait les entendre : » Jeanne aide Nous » lol.
À l’heure des grands changements que connaît Bordeaux Métropole, la ville se manifeste tant au travers de ses choix urbanistiques qu’ au travers de ses choix sociaux-économiques et touristiques. D’ambitieux chantiers et de vastes ravalements de façade(s) martèlent cisaillent décapent et soudent sur le rythme de la symphonie utopique urbaine contemporaine, l’exposition « Villa Potemkine »* résonne comme la réappropriation d’un territoire, qui avant d’être re-visité ou exploité est habité.
Amandine Pierné, Joan Coldefy et Marc-Henri Garcia pour 5UN7.
*L’expression « Village Potemkine » désigne un trompe-l’œil à des fins de propagande. Selon une légende historique, de luxueuses façades avaient été érigées à base de carton-pâte, à la demande du ministre russe Grigori Potemkine, afin de masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l’impératrice Catherine II en Crimée en 1787.
Jeanne Tzaut est diplômée de l’EESI d’Angoulême. Elle vit et travaille à Bordeaux.