Yves Chaudouët
SATURNALES
Une exposition du 12.12.2025 au 31.01.2026
_ vernissage jeudi 11 décembre à 18h
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Pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie LMR, Yves Chaudouët présente Saturnales. Peinture, gravure, monotype, écriture, film et sculpture y dialoguent sans hiérarchie. Rien ne cherche à dominer, tout circule, tout s’infiltre. L’exposition devient un espace de passage où les formes se croisent et se contaminent, jusqu’à brouiller la frontière entre ce que l’on voit et ce que l’on croit voir, entre la présence d’une forme et sa disparition.
« Nous ne voyons pas les choses elles-mêmes, nous les voyons à travers le prisme de notre regard », écrivait Merleau-Ponty, et chez Yves Chaudouët, ce regard se démultiplie. Il se diffracte en gestes multiples qui se répondent et s’interrogent. Chaque geste semble né du précédent, comme une résonance plus qu’une reprise. La peinture semble écrire, l’écriture s’imprègne d’image, le film respire comme un dessin. Rien n’est cloisonné, comme si chaque médium ne trouvait sa justesse qu’en s’adossant aux autres.
Dans son univers, une toile n’est pas seulement une surface picturale, elle retient la trace d’un souffle, d’un texte, d’un souvenir de lumière. Une phrase écrite, parfois, paraît peinte à même la page, tant elle partage avec le geste pictural son économie et son rythme. Les monotypes apparaissent comme des instantanés fragiles, mais leur vibration rejoint l’atmosphère d’une peinture ou l’évanescence d’un plan de cinéma. Tout semble en suspens, prêt à se dissoudre ou à recommencer. Chaque discipline agit comme un miroir déformant des autres, ouvrant des passages, créant des échos d’un langage à l’autre.
Ce mouvement n’est pas seulement esthétique, il engage une expérience du temps et de la perception. Dans ces films, le temps d’un plan rappelle l’attente qu’exige l’approche d’une toile. Dans une gravure, le noir qui s’enfonce dans le papier renvoie à la densité silencieuse de ses pages écrites. Dans ses sculptures, c’est la matière elle-même qui semble se souvenir, comme une empreinte rendue visible. L’œuvre tout entière fonctionne comme un tissu, chaque fil est distinct, et, c’est leur tressage qui fait apparaître la figure.
Philosophes et écrivains ont souvent insisté sur ces passages. Mallarmé voyait dans la poésie une « orchestration », Tarkovski concevait le cinéma comme « sculpture du temps », Beckett s’entêtait à réduire le langage pour laisser surgir le vide fertile. Yves Chaudouët, lui, joue cette partition à sa manière, dans un entrelacs de gestes qui ne cessent de se relancer. C’est une œuvre en mouvement, discrète mais têtue, qui refuse la clôture.
On retrouve cette même volonté de faire jouer les formes les unes avec les autres, d’éprouver leurs limites pour mieux les laisser respirer et s’ouvrir.
L’exposition présentée à la galerie LMR s’inscrit dans cette logique d’échanges. On ne regarde pas des œuvres de peinture d’un côté, des monotypes et des gravures de l’autre, mais une constellation vivante, où chaque pièce, quel que soit son médium, appelle les autres et les prolonge.
C’est une traversée, une invitation à circuler, à s’égarer même, à passer d’une empreinte à une image mouvante, d’une surface peinte à une phrase suspendue, comme on se déplace dans une mémoire qui n’appartient à personne en particulier mais qui nous traverse tous. C’est expérimenter et sentir que l’image n’est jamais close sur elle-même, qu’elle se dédouble toujours ailleurs, dans un mot, une ombre, une couleur, un temps, une matière, une trace. C’est accepter qu’aucun langage ne soit suffisant, mais que leur interaction, leur friction, ouvre un espace où le visible et le lisible se rejoignent dans une énigme partagée, où l’image continue de vibrer bien après qu’on ait détourné le regard.
Florence Beaugier Piovesan
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Exposition du mercredi au samedi de 14h à 19h
et sur RDV ☞ galerielmr@gmail.com