JEAN-RENÉ HISSARD
Peintures pour le Peuple
Vernissage le vendredi 5 avril de 18h à 21h30
// 05.04___18.05.2024
BAD PAINTING IS GOOD PAINTING
« Je me définirais par rapport à l’utilisation que je fais de l’art populaire. Si je l’utilise, c’est pour démonter, comme avec une arme de guerre, les pompes de l’art savant. Tout mon travail est en quelque sorte porteur de valeurs négatives, dans le sens des vanités du 17e siècle, dans un bric-à-brac visuel et fané qui symbolise la finitude des images. Mon propos dénonce la vanité de la peinture elle-même, en particulier de celle du 20e siècle (…). J’utilise la référence à l’art populaire de façon constante pour me moquer de la peinture moderne, de l’abstraction surtout qui est pour moi la peinture qui “cache son cul“, qui refuse la vérité du corps.
Je me définirais aussi comme un peintre de vanités. Toutes les toiles que je fais sont des vanités. D’une façon générale, la vanité est intimement liée à la peinture elle-même. Dans une certaine mesure, la peinture est vanité. La peinture est illusion ; c’est un artifice par lequel on dévoile une vérité (…). Donc, ce qui m’intéresse dans la vanité par rapport à la peinture, c’est le démontage de la notion de beauté. C’est-à-dire que la vérité dévoilée par la peinture, c’est l’horreur qu’il y a derrière la beauté. L’effroi, l’horreur, ou ce qu’il y a juste à côté : la notion d’envers du décor, ce qu’il y a sous les apparences.
(…) La peinture, l’art sont des choses risibles. Quand je fais référence à la « grande peinture », je fais des grands formats car, pour moi, qui dit « grande peinture » dit grands formats. Mais je fais cela pour rire, parce que je n’y crois pas ; je n’y crois plus. Là, il y a véritablement une « chute », cette fois presque au sens chrétien, une dérision fondamentale de l’activité elle-même… Être peintre aujourd’hui, c’est la vanité suprême. Être peintre aujourd’hui, c’est humilier la peinture. Les peintres qui m’intéressent sont ceux qui maltraitent la peinture dans son corps. »
Jean-René Hissard. Extraits de “Dialogue sur la vanité“ entre André Fougeron et Jean-René Hissard dans Le Journal des Expositions N°18 – Septembre 1994.
Pour Jean-René Hissard
Fabrice Hergott // Directeur du Musée d’Art Moderne de Paris
Hélion rapporte que Mondrian, quand il était question de l’œuvre d’un artiste, disait, à l’opposé des positions intransigeantes qu’il prenait en public, que l’art est toujours bien. Jean-René Hissard, quoi qu’il fasse, est toujours bien. Toujours ce refus de cette sotte assurance de croire que n’existerait que le bien peint, les grandes idées, les valeurs incontestables et un art qui serait dans les hauteurs. Devant les tableaux, il est bon de ne pas oublier que si l’on veut vraiment respecter l’art, ce ne peut être qu’en le démolissant, qu’en défaisant avec lui ce qu’il contient de certitudes et d’arrogance.
Artiste de l’anti-art, c’est-à-dire de l’art de demain, Jean-René Hissard nous signale tout ce que l’on ne veut pas savoir. Le grand art n’existe pas, les chromos sont des vérités, les riches haïssent pauvres, les êtres et les choses se tiennent sur la tête, l’humain est antihumain. Il y a vingt ans, je trouvais qu’il allait sans doute un peu loin, mais je comprenais et admirais ce qu’il pouvait y avoir de protestation dans son œuvre : une sorte de dadaïsme existentiel qui l’amenait à détruire joyeusement l’art de son temps comme si le monde n’était qu’un gigantesque Guignol’s band. Un Céline redoublé du Kokoschka nauséeux antifasciste des années quarante. Aujourd’hui, il me semble presque évident que sa peinture est l’une des plus objectives qui existe tous pays confondus. Il peint les choses et les êtres comme ils sont, montre le serpent dans l’œuf et déjà hors de l’œuf.
Habité par l’élégance de ne pas mentir, il peint pour ce qu’il appelle « le peuple », c’est-à-dire les pauvres qui aujourd’hui sont tout et pour lesquels tout est mensonge. C’est bien sûr immensément courageux même si Jean-René Hissard ne peut pas faire autrement. Mais cette fatalité ne fait qu’ajouter de la force à sa force, rendre encore plus évident que chez lui tout est bien.