GOSSIPIUM 5.0
Ema Eygreteau
Exposition du 17 mars au 11 mai 2021
Galerie Tinbox #5
Place Saint-Projet à Bordeaux
Commissaire d’exposition: Nadia Russell Kissoon
« Gossipium 5.0 » fait suite aux expositions « Gossipium 3.0 » et « Gossipium 4.0 » qui se sont déroulées en 2019 et en 2020. Elle se déroule à la date anniversaire du confinement #1 de 2020.
Où atterrir ?*
L’exposition ou l’œuvre « Gossipium » d’Ema Eygreteau se construit comme une série qui revient chaque année avec une nouvelle saison. Ainsi débute la saison 5.0, le 17 mars 2021. Le début n’est d’ailleurs pas le commencement, un peu comme cette saga intergalactique sans fin. Point d’étoile noire, symbole d’une Gaïa obscure, mais une galerie-oeuvre Tinbox Mobile rouge propice à la production d’une œuvre évolutive qui a débuté avec la saison 3.0. « Gossipium » est une œuvre expansive qui se déploie selon un procédé imitant la mise en culture cellulaire. La saison 10.0 existe sans doute déjà dans l’esprit créatif et les mains de l’artiste. Elle est apparue en mars 2019 lors de la Biennale d’art contemporain « Organo #6 – carnation végétale » sous le commissariat de Nathalie Canals.
« Gossipium » forme un ensemble de sculptures textiles qu’Ema Eygreteau présente comme « une cellule mi-homme, mi-végétale » qui colonise Tinbox à la manière d’un virus hors de contrôle. L’imaginaire exubérant de l’artiste puise ses sources dans des références médicales et botaniques, telles que des coupes ou des vues au microscope qui révèlent en macro des mondes invisibles à l’œil nu. À un stade déjà bien avancé, elles se déploient dans Tinbox comme des cellules ayant trouvé le bon substrat pour croître. Nous aurions pu imaginer, lorsque « Gossipium 4.0 » est réapparue en 2020, qu’elle n’avait jamais quitté la boîte, son espace de mise en culture. C’est le 18 février 2020 exactement qu’elle fait à nouveau acte de monstration, plus forte, plus rouge, plus en corolle et en couronne. La saison 2 se transforme alors en une réalité-fiction ou en une série d’anticipation. Lors des essais de montages, mi-décembre 2019, nous entendions déjà parler d’un virus lointain qui paralysait la Chine et faisait des milliers de morts, nous étions cependant loin d’imaginer qu’il se propageait déjà de corps en corps, de pays en pays au dessus des mers et allait également nous atteindre et nous infecter. Lorsque les premières images de la Covid 19 ont commencé à être diffusées, la ressemblance avec la pièce centrale de « Gossipium 4.0 » était frappante. Personne ne préméditait alors que le Coronavirus allait aussi paralyser la France, l’Europe, le monde et figer « Gossipium 4.0 » sur la Place Camille Jullian à Bordeaux du 17 mars au 11 mai 2020.
Notre actualité est toujours celle de cette pandémie de la Covid 19 avec de nouveaux variants. Mais des préoccupations plus alarmantes la dépassent, éclipsées par l’urgence de lutter contre ce virus, sans frontières, sans territoires ou terrains de vie, si ce n’est nos corps. Nous éradiquerons ce dernier mais en ce qui concerne la catastrophe écologique qui gangrène la terre, c’est moins certain. Je crois, oui, que tout est interconnecté et interdépendant. Exploitation et destruction des écosystèmes, extinction massive des espèces, dérèglement climatique, déplacement des populations, surpopulation, virus, megafeux, fonte des glaces… voilà ce qui attend les terrestres, actants humains et non-humains*, si nous ne cultivons pas collectivement notre jardin planétaire.
« Gossipium 5.0 » revient, du 17 mars au 11 mai 2021, aux dates exactes du premier confinement et nous rappelle cet enfermement forcé et inédit. Exposition anniversaire exutoire, elle témoigne de cet événement à travers une installation réunissant sculptures textiles, objets du quotidien, photomontage et dessins. Symboliquement, tandis que les lieux d’art sont sous cloche et restent fermés, Tinbox s’ancrera place Saint-Projet sur la rue Sainte-Catherine, artère commerciale principale de Bordeaux, dont le flux ne s’arrête qu’à la fermeture des magasins. Et en prévision d’une troisième vague et d’un hypothétique re-confinement nous avons choisi d’installer « Gossipium 5.0 » à proximité d’un commerce «essentiel».
Nadia Russell Kissoon / Commissaire de l’exposition
Dans le cadre du programme curotorial «Il faut cultiver notre jardin»
* «Où atterri? – Comment s’orienter en politique», Bruno Latour, Ed. La Découverte, 2017
** Vocabulaire emprunté à Bruno Latour
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GOSSIPIUM par Ema Eygreteau
« Gossipium 3.0, 4.0 et 5.0, est une installation qui propose l’observation à l’échelle macroscopique d’une mise en culture d’une cellule mi-végétale mi-humaine. Cette œuvre polymorphique filée s’appuie sur la forme structurelle des pollens observés au microscope électronique.
Dans un premier temps, le propos est de rendre visible à l’œil nu un processus de mise en culture d’un greffon de cellules végétales et humaines par le format XXL. Dans un second temps, l’œuvre vise à questionner les manipulations génétiques et propose un regard critique sur l’Anthropocène.
Tinbox, milieu stérile, espace d’expérimentation sans régulateur de croissance devient le lieu de la mise en culture de cette étrange cellule fabriquée par l’homme.
Mythologie personnelle, elle propose une histologie imaginaire d’un Gossipium*. Sur les parois blanches immaculées rappelant l’espace aseptisé du laboratoire, des cellules polylobées cultivent l’ambiguïté des sens. Les protubérances anthropomorphiques forcent le passage de la membrane cellulaire. L’œuvre prolifère, se multiplie, se dissémine, échappant ainsi à tout contrôle. Dans un même temps cette installation questionne le processus de création aussi bien dans la cellule hybridée en devenir que dans le choix des matériaux utilisés : le naturel et l’industriel. La main de l’homme n’est jamais très loin tant au niveau du processus de création de la forme que des matériaux. Fleur de coton, pollen de coton, le coton brut a été manipulé, transformé. Certaines teintes sont la résultante de l extraction des carnations de plantes : des teintures naturelles. En étant crochetées, elles viennent dialoguer, s’entretisser avec des teintes industrielles. J’extrais non pas l’odeur de mes collectes végétales mais leur carnation. Le choix du coton renforce la symbolique de l’œuvre. Gossipium 3.0, 4.0 et 5.0, greffon intrigant par ses nodules polylobés qui s’agglomèrent, s’agglutinent, se greffent, se combinent pour proliférer, pointe un futur en devenir plus ou moins inquiétant. »
* Gossipium : plante qui produit le coton.