Les auteurs d’art brut et apparentés n’attendent pas de formation pour se mettre à l’œuvre. Leurs créations sont résolument libres, y compris dans leur forme. Les matériaux qu’elles convoquent, les techniques employées ou encore leurs supports en attestent.
Il est donc opportun d’oublier les conventions formelles de l’Histoire de l’art, et l’échelle des valeurs qui y sont associées, pour percevoir et comprendre pleinement les productions d’art brut.
La question des formats de ces objets est particulièrement prégnante, tant elle est révélatrice de singularités, porteuse de sens, mais aussi parfois bien réelle, concrète, dès que l’on sort les œuvres de leur contexte de création.
La Collection Création franche comprend ainsi des œuvres de formats des plus variables, atypiques, contrastées. C’est ce que vise à mettre en lumière ce LAB, à travers la présentation de 150 œuvres, sans conclusion ou accompagnement théorique, car chaque tentative de généralisation en la matière semble appauvrir l’appréhension des parcours individuels.
Les œuvres présentées sont hors-normes, allant de tout petits formats, difficilement « présentables », souvent réalisés dans l’intimité, dans l’immédiateté, et révélateurs de l’environnement de leurs auteurs, aux très grands formats, dépassant parfois les capacités des espaces d’exposition eux-mêmes. Ces deux extrêmes illustrent de quelle manière échapper aux conventions de formats contribue à se dérober à la mise en exposition, parfois même au marché de l’art. L’acte de création, le moment du « faire » semble primer pour ces auteurs qui ne créent que pour eux-mêmes.
Au-delà de ces spécificités de taille à proprement parler, les formats de ces productions peuvent aussi être induits par le type de supports, parfois de fortune, d’opportunité, ou encore par une technique bricolée.
Enfin, certains auteurs exploitent leurs supports à l’extrême, utilisant le recto et le verso, d’autres débordant et utilisant jusqu’aux cadres ou parties non visibles de leurs œuvres. Un certain nombre de productions se révèlent ainsi inmontrables dans leur totalité.
Le cas des « environnements bruts », aboutissement de ce processus, ne pourra être traité ici qu’à travers la vidéo, échappant même au cadre muséal.
Dès 1948, Jean Dubuffet avait souligné l’importance qu’il accordait à la matérialité des œuvres, à travers la rédaction de « Peinturez hardi », traité des techniques à l’usage de l’homme du commun, dont le premier texte prévu au sein de son Almanach de l’Art Brut évoquait les supports et s’intitulait « Sur quoi peindre ». Le choix des matériaux, des formats, l’inventivité des techniques disent beaucoup des auteurs d’art brut pour lesquels le « faire » et le « comment faire » semblent essentiels et sont parfois même une finalité.
Ne pas faire l’impasse sur cette spécificité paraît primordial pour regarder l’art brut.