Dans le cadre de la 29ème édition du festival Itinéraires des photographes voyageurs, la galerie Arrêt sur l’image présente « Runners of the Future » d’Alexandre Dupeyron.
Runners of the future est un projet photographique qui a pour ambition de décoder la grammaire de ce que le Néerlandais Rem Koolhaas, architecte et urbaniste, appelle la ville générique : un univers calibré, où se juxtaposent les intérêts de chacun de ses acteurs, et où les innovations prennent le pas sur la vie en collectivité pour structurer l’espace.
En ne retenant que les symboles et proposant une ellipse de mégapoles à travers le monde, Runners of the Future vise à ériger l’une de ces villes génériques, affranchie de tous repères géographiques ou temporels, afin d’y interroger la place de l’homme.
Hyperverticalité, hyperproximité, hyperconnexion. Dans ces jungles d’acier et de verre, rebondissant d’angles droits en courbes parfaites, de l’ombre à la lumière, je suis le flot de la foule, isolant dans ma mobilité des instants qui brutalement font sens. Confrontés à ces villes et aux solitudes qu’elles abritent et nourrissent, je tente de tracer un chemin pour les parcourir, visuellement et mentalement. Que disent-elles de nos vies, ces mégacités ? Quelle part de confort, d’oubli, de menaces recèlent-elles ? Quel vivre ensemble nous proposent-elles ?
Runners of the Future est né de ma rencontre avec une mégapole, et de la sidération que j’en ai éprouvé. C’était en 2010, à Singapour, où j’ai séjourné deux ans. Désorienté, j’ai dû me créer des repères à travers mon appareil photo. Cette approche, presque défensive, en tout cas protectrice, a mué avec le temps. Pendant 7 ans, je suis allée à la rencontre d’autres grandes villes (plus de 10 mégalopoles modernes), principalement en Asie, berceau de la ville high-tech, grandie vite et haut pour répondre à un développement économique fulgurant. J’ai fait l’expérience d’un curieux sentiment, celui de me fondre dans la mondialisation : chaque ville m’apparaissait à la fois familière par son agencement rationalisé, et déroutante par son gigantisme. Ainsi, de l’une à l’autre, j’ai construit un espace imaginaire aux fondations ancrées dans le réel, aux intonations proches de ma sensibilité, de mon ressenti.
En l’amenant vers une abstraction susceptible de toucher le plus grand nombre, la série Runners of the Future invite le regardeur à entreprendre son propre voyage, embarquer dans sa propre odyssée formelle, faire naître sa propre réflexion.
Alexandre Dupeyron
Fasciné par l’image qui défile devant ses yeux lors de ses premiers voyages, le travelling lui semble être dès son plus jeune âge, son paysage de prédilection. Alexandre Dupeyron remarque dans sa douzième année les courbes et les lignes parfaites que forment la nature en mouvement, le bitume, les bâtiments. Il suit les traces humaines sur les chantiers, dans les friches industrielles, sous les ponts. Il se perd, pour entrer dans un monde qui lui appartient peu à peu d’autant mieux qu’il l’a rêvé. Photographe indépendant depuis 2006, les limites qu’il trouve dans son travail de photojournaliste, le poussent à affirmer toujours plus sa propre voix. Sa photographie a la géométrie variable de ses voyages. Du Maroc à Singapour en passant par l’Inde, elle s’adapte et le suit. Parallèlement, son regard se construit et s’affirme. Le temps de la photographie le ralentit, l’empêche de courir si vite vers l’avenir. C’est ensuite le photographe qui décomposera ce temps. Le révèlera par une prise de mouvement capturé entre deux états. Dans ce processus vital, il s’accroche au monde, à son essence, et continue sa démarche consciente, de regarder la vie humaine, les yeux grands ouverts, en se mouvant de manière aléatoire, pour être surpris par un monde plus grand que lui.