DANS LES BRAS DE DÉMÉTER
LUCIE BAYENS
EXPOSITION ITINÉRANTE
SORTIE DE RÉSIDENCE D’ARTISTE DE RECHERCHE ET DE CRÉATION
GALERIE TINBOX MOBILE #5
DU 7 MAI AU 30 OCTOBRE 2022
COMMISSAIRE D’EXPOSITION
NADIA RUSSELL KISSOON
– 1/4 « De l’eau fraîche » aux Jardins Inspirés au Taillan-Médoc
Vernissage samedi 7 mai à 19h00
Exposition du 7 mai au 2 juin 2022
Adresse de l’emplacement de Tinbox à Le Poulailler Bio Majolan / Les Jardins Inspirés:
37 rue François Ransinangue
33320 LE TAILLAN-MÉDOC
Parking sur place
– 2/4 « Ma petite cuisine », parvis du Centre d’art la Cuisine à Nègrepelisse
Vernissage samedi 4 juin à 12h30 – Performance culinaire
Exposition du 4 juin au 10 juillet 2022
En amont de l’exposition, plantation du « Jardin Radyeux », mercredi 18 mai de 14h à 18h
– 3/4 « Portée par l’air » à la Ferme des Filles à Captieux
Vernissage samedi 10 septembre à 18h00
Exposition du 3 au 30 septembre 2022
– 4/4 « Dans les bras de Déméter » à Bordeaux
Vernissage / rencontre date à confirmer
Du 4 au 30 octobre 2022
DOSSIER DE PRÉSENTATION
CARTE MENTALE EN LIGNE
Informations sur la résidence d’artiste
Photo presse
« Dans le cadre du projet » Dans les bras de Déméter » initié par l’Agence Créative en 2021, j’ai fait des résidences de recherches et de création aux Jardins Inspirés, à La Ferme des Filles et au centre d’art et de design la Cuisine. Trois lieux, trois territoires, trois saisons auxquels j’ai associé trois éléments en m’inspirant de la pratique de la permaculture de Caroline Miquel par laquelle l’expérience a commencé. Pour les restitutions dans la galerie Tinbox Mobile #5 sur sites, je considère la galerie comme un corps qui maintient les organes dans l’espace, une cage thoracique à travers laquelle on voit et qui prend place dans le paysage. Il est question de résistance, de cycle, de lento, de « vivre avec le trouble », de dons, de soins, de canalisation, d’accompagnements, de devenir-avec, de séminaire, de respons(h)abilité*, de partage, de célébrer les étapes du vivant, d’accommoder les restes, de (se) rendre capable, de Cultiver son jardin. «
Lucie Bayens
*Vivre avec le trouble, Donna J. Haraway
L’EFFET BOITE DE SARDINES
Pour écrire ce texte, j’ai navigué entre les différentes strates de recherches de l’artiste Lucie Bayens dans le cadre de sa résidence » Dans les bras de Déméter* » pour en comprendre à rebours sa logique. Peut-être me faudrait-il en premier lieu contextualiser ce projet et le processus créatif de l’artiste afin que vous puissiez vous aussi vous y situer.
» Dans les bras de Déméter » est une résidence d’artiste de recherche et de création imaginée sur mesure pour Lucie Bayens sur trois territoires. » Glaner est mon acuité » écrit-elle. Lucie Bayens a développé un sens ou un degré de sensibilité que nous ne possédons pas tous. Elle voit, dans toutes sortes d’éléments et formes, dans des matières organiques et plastiques, des cosmogonies – du grec cosmo- » monde » et gon- » engendrer « . Elle se » sert du territoire comme d’une caisse de résonance « . Et quand une forme résonne, elle en engendre de multiples par écho. Elle cultive une poétique de la relation exacerbée. Elle crée des liens inattendus entre des éléments que nous n’aurions jamais vu, perdus au bord d’un ruisseau, dans une forêt ou sur le trottoir d’une ville. Lucie Bayens glane sans cesse, elle ramasse, elle trie, elle nettoie, elle stocke, elle collectionne, elle range, elle classe. Ce syndrome de l’écureuil est à la base de tout son travail. C’est une méthode qui est empreinte d’intuition et d’attraction, d’immersion et de relation aux humains, à tous les êtres terrestres et aux formes invisibles. Son travail consiste en grande partie à marcher dans la forêt, aux bord des ruisseaux, sur la plage. Elle est en éveil. Peut-être que ce qui l’intéresse le plus ce sont les traces que l’être humain laisse partout sur son passage. Ces empreintes anthropiques qui modèlent la zone critique, cette fine couche allant du sous-sol à l’atmosphère, qui rend la vie possible sur laquelle nous vivons tous.
Pour sa résidence d’artiste » Dans les bras de Déméter » j’ai proposé de border un territoire, constitué lui-même de trois territoires. Ce choix s’est fait à travers des rencontres avec Caroline Miquel qui cultive la terre en biodynamie dans les Jardins Inspirés sur les bords de la Jalle au Taillan-Médoc. Elle collecte et conserve des semences paysannes dans sa banque de graines venant des quatre coins du monde. Caroline m’a fait découvrir La Ferme des Filles. C’est sans doute le nom de cette ferme créé par quatre femmes, Jeanne et Julie Lagardère, cousines de Cécile et Sophie Vignaud, qui m’a à mon tour inspiré, mais aussi sa situation géographique à Captieux, » Caput Sylvarum » qui signifie en latin » la tête de la forêt » et dont le blason représente un écureuil. Par résonances et amitiés de pensée, pour faire un lien entre la terre cultivée et l’alimentation, c’est vers un territoire de l’art contemporain comme liant de l’ensemble que je me suis tournée, La Cuisine, centre d’art et de design dirigée par Marta Jonville, terrain d’expérimentation de la réconciliation entre nature et culture.
Voilà le cadre posé. La durée du projet, sa temporalité, son mode opératoire, ses temps d’immersion étaient au libre choix de l’artiste. La résidence a débuté en mars 2021 et s’est terminée en mars 2022. Elle a traversé les quatre saisons, d’un printemps à un autre. Tout son processus créatif est partagé grâce à une carte mentale holistique en ligne. Elle permet, en cliquant sur l’image, de naviguer entre les objets ramassés, les écrits, les photographies et les vidéos de l’artiste et de découvrir ainsi les gestes et les différentes expérimentations qu’elle a réalisé pendant son année de résidence.
Cette exposition mise en boite dans ma galerie Tinbox Mobile #5 est un » tableau « , en quatre scènes, qui circule de mai à octobre 2022.
Être en éveil
Pour explorer le tableau, je dois d’abord vous parler de boites de sardines.
Le premier geste de Lucie Bayens au début de sa résidence a été de construire le » Radyeux » qu’elle a fait flotter sur un des bras de la Jalle, cour d’eau aménagé pour irriguer les terres agricoles qui traverse » Les Jardins Inspirés « . Cette œuvre est un radeau composé principalement de boites de sardines vides glanées ici et là. Cette première création, avec toute la qualité que je peux trouver à la digression, m’a au préalable semblé en décalage avec le cadre du projet au plus proche de la terre. C’est en rembobinant le fil des étapes de la résidence, que j’ai compris l’importance de la création de ce » Radyeux » et c’est grâce aux mots de Jacques Lacan, partagés par l’artiste, que je l’ai cerné :
Le jeune Lacan est en excursion maritime avec un groupe de pêcheurs, quand l’un d’eux – le dénommé Petit-Jean – lui désigne un objet flottant au loin sur l’eau. L’objet, une boite de sardines, reflète le soleil. Petit-Jean dit au jeune Lacan, » Tu vois cette boite ? Tu la vois ? Eh bien, elle, elle ne te voit pas. » » Sans doute, au fond de mon œil, se peint le tableau. Le tableau, certes, est dans mon œil. Mais moi, je suis dans le tableau «
C’est ça l’effet boîte de sardines, c’est comprendre que l’on ne peut pas être complètement extérieur au monde. Cette objectivation du monde est au cœur du travail de Lucie Bayens. Elle nous invite à prendre conscience que nous faisons tous parti d’un même tableau. » Nous ne sommes pas des habitants de la terre ; nous habitons l’atmosphère « *** exprime le philosophe Emanuele Coccia, autre lecture de l’artiste pendant sa résidence. Ce dernier considère que » la vie n’a jamais abandonné l’espace fluide « ***. C’est ainsi que Lucie Bayens nous propose de nous » amarrer à un point de hasard pour ensuite (nous) exposer et (nous) ouvrir à tout ce qui est dans le monde environnant. « ***. C’est cette attention que j’appelle être en éveil.
Le Radyeux
» Le Radyeux » est une sculpture transitoire, physique et symbolique, qui a permis à l’artiste de voyager d’un territoire à un autre munie de sa boussole interne tout en acceptant d’être désorientée. À son bord, elle a transporté des graines et des semis et toutes sortes d’éléments propices à nourrir son récit de voyage, à expérimenter, à créer et à construire son exposition. On peut ainsi imaginer ses escales de travail qui nous projettent dans ses enracinements multiples au gré de la flottaison du » Radyeux » sur la Jalle, la Gouaneyre, les affluents de l’Aveyron et de la Garonne. L’escale la plus longue est celle à la Cuisine, peut-être parce que c’est l’été, la saison du réveil des vivants. Tous les semis de jeunes plantules transportés par le » Radyeux » sont destinés à la » Forêt nourricière « , le garde-manger du centre d’art. Les graines paysannes deviennent alors plantes, fruits et légumes, offrandes de l’artiste.
Alors que l’artiste a convoqué durant sa résidence les quatre éléments indispensables à toutes formes de vie, la terre, l’air, le feu et l’eau, pour en revenir aux fondamentaux de la nourriture par la graine, c’est le terme de subsistance qui me vient à l’esprit. À travers la représentation des réseaux fluviaux des territoires traversés et en convoquant les symboliques de la boite de sardines, également objet de l’industrie de la conserve, de la grande consommation, de la surpêche et de l’alimentation mondialisée, elle met en lumière l’absence de frontières puisque » la terre ferme n’est que la limite extrême de ce fluide cosmique au sein duquel tout communique, tout se touche et tout s’étend. « *** Lucie Bayens pointe ainsi l’importance de prendre conscience des interconnections et de notre qualité d’occupants de passage.
» Le Radyeux » est un refuge fragile à la fois de résistance et de subsistance.
Nadia Russell Kissoon
Commissaire de l’exposition
1er avril 2022
*Déméter (en grec ancien Δημήτηρ / Dêmếtêr : nom composé de μήτηρ / mếtêr, » la mère « , et peut-être d’un nom pré-grec de la terre, δᾶ / dâ, ce qui ferait d’elle » la Mère de la Terre « ) est la déesse de l’agriculture et des moissons.
** Lacan Jacques, Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse (1964), texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, coll. Champ Freudien, 1973, p.89
*** Emanuele Coccia, La vie des plantes, Une métaphysique du mélange, Bibliothèque Rivages, 2016
**** Le Nouveau Ministère de l’Agriculture
Un projet soutenu par le contrat de filière arts plastiques et visuels, ASTRE, État / Région Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux, Bordeaux Métropole, le Conseil Départemental de la Gironde en collaboration avec les Jardins Inspirés, La Ferme des filles et La Cuisine, centre d’art et de design.