À PROPOS
24.09 – 30.10.2021
Lisa Beck
Estelle Deschamp
Bérénice Mayaux
Olivier Mosset
Lionel Scoccimaro
À propos de l’abstraction, il faut se rappeler qu’au cours de la deuxième décennie du 20e siècle, un tournant radical et déterminant s’opère en peinture, l’invention de l’abstraction. L’image abstraite apparaît alors comme oxymore de la définition de l’image comme réplique de la réalité. Les peintures abstraites sont alors des images autonomes qui ne renvoient à rien d’autre qu’à elles-mêmes. Elles révèlent l’existence de réalités jusqu’alors invisibles et inconnues que chaque artiste détermine à sa façon. Chacune des formulations de l’abstraction, et elles sont nombreuses : abstraction géométrique, lyrique, poétique, minimaliste, radicale, conceptuelle, picturale, sculpturale, sonore, filmique… est propre à l’artiste qui s’en empare. L’abstraction s’impose ainsi tout au long des 20e et 21e siècles comme une agora parfois assourdissante de conversations et de chamailleries formelles, symboliques, historiques, conceptuelles, sémantiques, chromatiques, etc. Aujourd’hui, les artistes continuent donc à créer, inventer, ajouter de nouveaux éléments à l’infinité réticulée de l’abstrait.
Pour son exposition de rentrée, la galerie LMR présente, pour la première fois, une exposition collective pensée autour de cinq artistes contemporains qui ont pour point commun l’emprunt des chemins de l’abstraction. Il s’agit de l’américaine Lisa Beck, des français Estelle Deschamp, Bérénice Mayaux, Lionel Scoccimaro et du suisse Olivier Mosset, figure incontournable de la peinture abstraite d’après-guerre. La diversité de leurs œuvres, leurs processus, leurs praxis y sont à voir comme autant de témoignages d’une vision de l’abstraction ; si le langage formel du modernisme y est interrogé ou même pastiché, repris, utilisé, c’est dans la conquête d’un héritage, d’une liberté de sens, d’espace. Il et elles ont en commun des processus de multiplications des strates : spatiales, temporelles, chromatiques, formelles… Quel que soit le modus operandi utilisé, il ouvre l’espace pictural sur de nouvelles narrations et manifeste ainsi une énergie nouvelle de négociation avec le monde dans lequel nous habitons.
Les œuvres de Lisa Beck placent le visiteur dans une position active, en partie par les effets réfléchissants de sa peinture qui induisent un déplacement pour apprécier la distorsion de la peinture. L’artiste est attirée par les phénomènes visuels opposés mais liés, comme le positif et le négatif, le motif et le hasard, la couleur et les valeurs, le plan et la profondeur, l’imagerie figurative et abstraite. Elle utilise le plus fréquemment la figure du cercle, en référence aux atomes, points, sphères, solides, vides, cellules, étoiles, éternité…
Les assemblages sculpturaux d’Estelle Deschamp associent une multiplicité de matériaux comme le bois, le plâtre, le béton, le goudron, la mousse, le plastique, le PVC, mais aussi des rebuts en tout genre. L’équilibre formel de ses œuvres est saisissant et s’il fait appel à certains savoir-faire artisanaux, il s’appuie surtout sur un esprit de synthèse, de simplification et pose la question : comment parvenir à l’essentiel de la forme, de la composition de la couleur pour toucher au cœur de l’art ?
Les peintures à l’acrylique et les dessins de Bérénice Mayaux sont des compositions de formes géométriques dont l’équilibre et l’agencement font naître la familiarité et ouvrent des superpositions de plans qui trouvent leurs équilibres dans la vibration de couleurs incroyablement « pepsies ».
Olivier Mosset est une référence incontournable pour plusieurs générations de peintres européens et américains. Il fut d’abord associé à Daniel Buren, Michel Parmentier et Niele Toroni, dans le groupe B.M.P.T. La série de cercles qu’il peint inlassablement dans les années 60 reste encore aujourd’hui parmi les œuvres les plus marquantes de cette époque. Cette rigueur analytique il l’appliquera par la suite à l’abstraction géométrique et aux monochromes, elle traverse son œuvre aujourd’hui encore.
Les « presque monochromes » de Lionel Scoccimaro sont la porte ouverte sur un espace à la fois pictural et sculptural. Ils peuvent être noir, rose, jaune, vert, bleu… et suivent un long processus de fabrication qui est un trio entre : la couleur, l’artiste et les savoir-faire de l’artisan shaper (fabricant de planche de surf). Quant à sa toute nouvelle série de dessins mantrabstraction, réalisés au pastel, ils sont un assemblage de formes colorées et semblent être à la jonction entre des pratiques tribales ancestrales et l’art contemporain.
Lisa Beck, Estelle Deschamp, Bérénice Mayaux, Olivier Mosset et Lionel Scoccimaro proposent des points de vue différents sur l’abstraction. Ils montrent que les positions de Paul Cézanne et de Marcel Duchamp, loin de s’exclure, se complètent. Car, c’est ici, par le faire spécifique de l’artiste et par le regard particulier que le spectateur portera sur l’objet artistique, que la vérité de l’art devient visible.
Florence Beaugier
Commisaire d’exposition