Le travail de Chiara Camoni, qui comprend dessins, sculptures, vidéos et installations, prend forme dans l’espace domestique et émane le plus souvent d’expériences collectives.
Depuis ses études à l’Académie des beaux-arts de Brera à Milan, l’artiste a laissé l’art pénétrer jusqu’aux moindres recoins de sa vie ou, plutôt, fait de celle-ci un art, à la fois communautaire et introspectif. Dans une tradition héritée de l’arte povera comme de certains artisanats régionaux italiens, elle réalise ses œuvres à partir de matériaux naturels (terre glaise, bois, plantes, laine animale) qu’elle collecte autour de Fabbiano, le village de montagne toscan où elle vit et travaille entourée des siens. Son assistante attitrée fut longtemps sa grand-mère, qu’elle chargera, jusqu’à la mort de cette dernière, de réaliser un dessin par jour pour vaincre sa « mélancolie ». Souvent, sa cuisine ou son jardin se transforment en ateliers de céramique, où ses amis et les enfants des alentours viennent malaxer la terre et laisser leurs mains s’émanciper tout en conversant. Le lâcher-prise et l’intuition sont deux principes opérants dans son travail. Les connaissances ancestrales et savoir-faire vernaculaires, et la manière dont ils sont transmis d’une génération à l’autre, sont au cœur d’une pratique quotidienne empreinte des théories éco- ou cyberféministes de philosophes comme Donna Haraway ou Rosi Braidotti, deux figures tutélaires pour l’artiste dont elle aime à partager les écrits lors de lectures publiques.
L’exposition au Capc revient sur quinze ans de carrière de l’artiste et propose une plongée dans un travail collégial et « situé » (Haraway). Elle se déploie en miroir dans les galeries du rez-de-chaussée de l’espace du musée, et recompose un intérieur privé, jouant des usages généralement assignés aux différentes pièces d’une maison (les chambres, le salon, la cuisine, l’atelier ou le bureau, etc.). À chacune de ces fonctions répondent des œuvres – parmi lesquelles des impressions végétales sur soie formant une tente, un sol de dalles en terre cuite aux motifs kaléidoscopiques ou encore une sculpture faite de céramique et de bougies qui se consument – lesquelles s’organisent en paires se faisant écho de part et d’autre des deux ailes de l’espace d’exposition. Elles se jouent du temps, de son passage et de la manière dont il transforme également l’appropriation que l’on peut faire de chacun de ces espaces selon l’heure de la journée.
L’exposition de Chiara Camoni offre une traversée dans une pratique qui sublime le quotidien et la répétition, un art organique et producteur de formes qui se renouvellent chaque matin, habitent chaque moment de la journée et se mettent en veille à la nuit tombée.
Chiara Camoni est née en 1974 à Plaisance, Italie ; elle vit et travaille à Fabbiano sur les hauteurs de la côte Versilienne, au nord de la Toscane. Récemment, son travail a fait l’objet d’expositions personnelles à MOSTYN, Llandudno, Pays de Galles, et au Middlesbrough Institute of Modern Art, Grande-Bretagne (toutes deux en 2019). En 2020-2021, elle a participé à Fuori, la 17e Quadriennale de Rome au Palais des Expositions, ainsi qu’à l’exposition Artifices instables. Histoires de céramiques au Nouveau Musée National de Monaco – Villa Sauber.
Chiara Camoni est représentée par SpazioA, Pistoia, et Arcade, Londres et Bruxelles.
Commissaire : Alice Motard