Lucile Callegari est peintre, vit et travaille à Bordeaux. L’artiste a réalisé une série de portraits à quatre mains avec Ozan Virgule (Elmoez Meherzi), intitulée « Schizophrenia ». A cette occasion, Lucile Callegari a répondu aux questions du galeriste Wilhelm Blais.
Qu’est-ce qui t’a orienté vers le domaine de la création ?
L’art est apparu chez moi très tôt, avec un papa peintre à ses heures perdues et une maman férue d’histoire, de visites de musées et de voyage. J’ai grandi dans un environnement intellectuel et artistique riche, mais la création et la professionnalisation en suivant, n’est venue que tardivement, à 35 ans à la suite d’un choc émotionnel. C’est donc en dilettante et passionnée, que j’ai développé et enrichi mon goût pour l’art en général.
Les études supérieures m’ont offertes une connaissance poussée de la théorie, à savoir l’étude de l’histoire de l’art et de l’archéologie à l’université de Bordeaux 3 pendant plusieurs années. La renaissance italienne et l’époque contemporaine ont été mes sujets favoris. Toujours des connaissances, beaucoup de visites d’expositions et de découvertes par le voyage, mais pas de création à proprement parler.
Le déclic s’est produit à la suite d’un évènement brutal dans ma vie…partie trop tôt, ELLE est le déclencheur de cette puissance créatrice et de résilience qui m’amènera à une production intense et intensive. Par ailleurs, durant les premiers mois, mon ami et peintre Elmoez Meherzi a été mon guide. Sans lui, je n’aurais pas pu extérioriser de cette manière. Quelques années plus tard, naît cette collaboration artistique avec la série « Schizophrenia »
Pourquoi la peinture comme médium ?
La peinture s’est imposée à moi de manière spontanée. Le choix du portrait féminin également. Mes débuts dans la peinture ont été uniquement un moyen d’expression d’une rage, d’une violence et d’une profonde tristesse, qui devaient sortir de moi. Ce n’est qu’au terme d’une année, après une belle production d’œuvres en moyen format et d’expositions dans ma région, que j’ai décidé d’en faire mon métier. Mes premières ventes également évidemment. Avec la force et la détermination qui étaient en moi, je ne me suis pas posée de questions des diverses difficultés. Ce n’était qu’évidence de vie à ce moment-là.
Peux-tu nous raconter comment est apparue la série « schizophrenia » ?
L’idée de cette collaboration nouvelle avec Elmoez Meherzi est apparue de manière totalement imprévue. Après cinq années, 500 portraits suivis de près et de loin par Elmoez, nous échangeons sur nos ressentis face à nos portraits respectifs. S’en suit un débat houleux et un profond désaccord qui nous tiendra toute la soirée durant. L’aboutissement : deux moitiés de portraits réunies et une illumination soudaine : « Oui, mettons cela en peinture et nous verrons bien. » Le challenge est lancé. Aujourd’hui, 40 portraits de cette série, nommée « Schizophrenia », ont vu le jour et nous n’avons toujours pas la réponse à notre question de départ. Le premier portrait a été réalisé en décembre 2016. C’est une collaboration hors norme qui nous anime chaque jour et qui n’est pas prête de s’arrêter.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’exposition sur cette série avant aujourd’hui ?
Parce que les ventes fulgurantes de nos toiles ne nous permettaient pas d’avoir un stock suffisant pour une exposition. Par ailleurs, nous attendions que la Galerie Wilhelm Blais nous la propose. Nous ne souhaitions que lui pour la mise en lumière de nos toiles sur nos terres natales.
Comment expliques-tu l’engouement du public pour cette série ?
Nous sommes toujours aussi surpris et enthousiastes, à chaque publication sur les réseaux sociaux, site web et exposition sur les foires d’art contemporain, de l’attente des nouveautés pour ceux qui suivent la série et des nouvelles personnes souvent interpellées et déroutées par ce rendu peu commun d’un même visage vu par deux artistes, à la sensibilité et l’histoire de vie si différente. Toutefois, notre amitié liée de manière plus forte par un drame fait la force, notre force, et celle des « Schizophrenia ».
Qu’est-ce qui te plaît dans le travail d’Elmoez Meherzi ? En quoi vos travaux sont-ils complémentaires ?
Elmoez Meherzi est un artiste complet qui a commencé la peinture il y a 25 ans. Très vite il a formé d’autres artistes en devenir. Ce qui me plait, et surtout ce qui me fascine, c’est sa faculté de traiter tous les sujets picturaux, à savoir le paysage, la nature morte, les scènes de vie et bien évidemment le portrait. Lorsque je l’ai rencontré en 2008, je lui ai acheté un portrait très fin d’une femme orientale. Sa peinture me touche parce que son histoire me touche. Sa personnalité aussi.
Les portraits qu’il réalise en l’occurrence, sont très puissants, violents, emprunts d’une histoire de vie lourde à porter et qu’il transcende pourtant, lui aussi par la création. C’est surtout cela qui nous rapproche, et notre complémentarité réside plus dans cette écriture libératrice, en plus de sa touche et de la maîtrise des couleurs. Pour toutes ces raisons, les portraits « Schizophrenia » fusionnent et se répondent malgré la séparation nette du travail de chacun sur la toile. Mais le résultat est un visage qui ne fait qu’un.
Quel est votre processus de création ? Travail à quatre mains en simultané ? Chacun son tour ?
Pour cette série « Schizophrenia » à quatre mains, chacun a respectivement créé les portraits dans son propre atelier. Le châssis est visuellement divisé en deux, afin de peindre la partie droite du portrait. La toile inachevée arrive ensuite à l’atelier d’Elmoez qui a libre cours pour sa partie de création. Ce n’est qu’une fois terminé et vernis que je découvre ce nouveau visage, coloré, vif et si énigmatique. Belle découverte à chaque fois pour moi.
Quels sont les artistes qui t’inspirent ?
Ce sont les symbolistes, préraphaélites*, les arts autour de 1900 qui m’animent et m’emportent. Ces courants du début du siècle dernier m’influencent pour leur richesse du détail, leurs couleurs, leurs puissances narratives, qu’elles soient chimériques (Odilon Redon) ou bien mythologiques, historiques (Edward Burne Jones), ainsi que pour la beauté fatale des femmes représentées. Ma retranscription des émotions se situe dans la perception de l’âme de mes visages, l’atmosphère de cette époque révolue, non sur la technique de ces périodes.
Plus récemment, Lucian Freud, Francis Bacon et Lita Cabellut sont également des artistes qui m’inspirent.
Quels sont tes projets ? Un solo show ? Une nouvelle collaboration avec Elmoez Meherzi ?
Nous avons avec Elmoez surtout l’enthousiasme et l’envie de continuer très longtemps cette collaboration. 40 portraits Schizophrenia ont donc vu le jour. Une dizaine pour la Galerie Wilhelm Blais à Bordeaux qui a la primeur d’une toute première exposition. D’abord virtuelle en raison de l’actualité sanitaire. Pour la suite, le lieu et les dates seront communiqués ultérieurement.