Du 7 au 13 Février, la Galerie des Tables accueille la restitution du travail réalisé par quinze étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux (EBABX) dans le cadre d’un workshop sur la risographie animé par Fabien Saura (Countach Studio). Placé sous le signe du transhumanisme, les étudiants ont été amenés à s’interroger sur ce mouvement qui prône l’usage des sciences afin d’améliorer les capacités humaines.
Nous sommes allés à la rencontre de cinq étudiants (Clarisse Kotlok, Hongrae Kim, Valentin Gioia, Thibaut Gaudin et Cannelle Berthelot) afin de recueillir leurs impressions sur ce workshop.
Comment s’est déroulé le workshop et quelle était sa finalité ?
Cannelle Berthelot : Lorsque nous arrivons le lundi, nous commençons par poser le sujet. Cette fois-ci, c’était sur le transhumanisme. Nous avons d’abord fait des recherches, que nous avons ensuite mises en commun pour faire une liste. Nous nous sommes répartis par groupe ou seul et avons ainsi pu commencer à écrire des slogans.
Thibaut Gaudin : C’est Fabien Saura qui a donné l’idée générale et défini la thématique du workshop : « En tant qu’étudiants transhumanistes, vous êtes un collectif et vous organisez une manifestation pour le transhumanisme ».
Cannelle Berthelot : Lors d’un autre parcours, nous avions eu comme sujet l’engagement. Nous avions été voir l’exposition « MAI 68 en Gironde », scénographiée par Countach Studio, puis il nous avait été demandé de travailler en classe sur l’engagement personnel. Ce workshop était donc une manière de clôturer ce thème de l’engagement par une manifestation sur le transhumanisme. Nous nous sommes alors mis dans la peau de manifestants et nous nous sommes demandés comment nous manifesterions dans la rue. Nous avons chacun imaginé un dispositif : par exemple des robots qui devaient distribuer des flyers…
Valentin Gioia : Moi, par exemple, c’était comme un distributeur de billets mais pour les affiches.
Thibaut Gaudin : Ça pouvait être très fictif donc nous avons imaginé des dispositifs très absurdes, comme des overboards, des fusées, etc.
Le but de ce workshop était de vous familiariser avec l’utilisation de la risographie, technique d’impression d’origine japonaise. Etait-ce une première expérience ou avez-vous déjà eu recours à cette technique ? Qu’en avez-vous pensé ?
Cannelle Berthelot : C’était une première expérience pour tout le monde. La risographie est un processus informatique qui fonctionne par couches, un peu comme la sérigraphie. Il faut faire une impression par couleur : d’abord tu imprimes tous les roses, puis tous les jaunes et ensuite tous les bleus, etc. C’est assez compliqué à travailler car au niveau de la trame ça ne se cale pas toujours bien.
Thibaut Gaudin : Et c’est ça aussi qui fait le charme typique de la risographie : c’est le système de décalage. Comme l’on passe plusieurs fois la même page, il va forcément y avoir un décalage qui se voit par endroits. On ne peut pas le contrôler.
Cannelle Berthelot : C’est vraiment quelque chose que l’on ne peut pas savoir au début. Il faut donc essayer pour voir ce que ça donne et ajuster en fonction du résultat.
Le thème choisi, celui du transhumanisme donc, est un thème très actuel. Comment l’avez-vous appréhendé dans vos pancartes ?
Valentin Gioia : Nous avons fait beaucoup de recherches globales et à partir de cela, nous avons choisi le point qui nous intéressait et nous inspirait le plus d’un point de vue créatif. C’est un peu venu tout seul finalement.
Cannelle Berthelot : Ce qui a été dur, pour certains d’entre nous, c’était d’être pro-transhumanistes. En faisant des recherches, nous avons trouvé des choses assez horribles et comme il fallait que l’on garde quelque chose de positif dans le slogan, ce n’était pas forcément évident. C’est pour cela que nous nous sommes dirigés vers le côté absurde du transhumanisme et sur les choses positives qui peuvent en ressortir.
Pouvez-vous me parler un peu de la pancarte que vous avez faite à l’issue de ce workshop ?
Cannelle Berthelot : Avec Clarisse Kotlok, nous avons créé le slogan « Tous égaux, tous H+ ». Nous sommes parties sur l’idée que nous souhaitions remettre à égalité tout le monde. Pour les handicapés qui doivent recevoir des prothèses par exemple, nous voulions que le fait d’être augmenté soit un droit destiné à tout le monde, afin d’améliorer leurs vies. « H+ » fait aussi référence au logo du transhumanisme. L’idée était aussi de faire écho aux groupes sanguins. Nous voulions vraiment créer une unité en disant que nous sommes tous égaux, tous H+, et que nous avons tous droit à cette augmentation.
Clarisse Kotlok : Nous voulions que tout le monde soit sur un même piédestal finalement.
Cannelle Berthelot : Mais le problème c’est qu’avec les écarts de richesse, les riches pourraient être encore plus augmentés et de ce fait, il y aurait un écart encore plus fort entre les riches et les pauvres. Du coup nous voulions vraiment partir sur l’idée que c’est un droit, afin que tout le monde soit égal et qu’il n’y ait pas de différences entre les classes sociales.
Valentin Gioia : Pour ma part, j’ai choisi de travailler sur les pilules. J’ai créé 3 affiches qui fonctionnent ensemble, en série. Je me suis inspiré de la pilule qui nous augmente. C’est un peu comme la prise de drogues, comme dans le film « Limitless » : c’est la pilule qui nous rend intelligent. Mon slogan « Pop the pill, I want to be smart » signifie en gros : « Laissez-moi prendre des drogues pour devenir intelligent ». Bien sûr, c’est impossible.
Cannelle Berthelot : Oui, nous ne sommes pas partis dans l’idée que ce soit réaliste.
Pouvez-vous me parler de la manière dont est venu le titre de la restitution « I KNOW KUNG FU » et ce que ce dernier signifie ?
Valentin Gioia : Le titre vient de Fabien. C’est en rapport avec le film « Matrix », lorsque Neo se rend dans la matrice et qu’il apprend tout très rapidement. Il apprend notamment la pratique du Kung Fu. Lorsqu’il en ressort, il dit : « I know Kung Fu » (« Je connais le Kung Fu »).
Cannelle Berthelot : C’était l’idée qu’en un claquement de doigts, on puisse acquérir toutes les connaissances possibles.
Que pensez-vous de cette restitution ? Le résultat est-il celui que vous en attendiez ?
Cannelle Berthelot : Oui, ça rend plutôt bien, nous sommes contents. Après, le truc c’est qu’une semaine c’était long et court à la fois : long d’abord, parce que le processus de risographie est long. Nous devions faire plusieurs passages par groupe, ce qui fait qu’il y avait beaucoup d’attente entre chaque passage. Nous, par exemple, nous avons eu un problème de couleurs : le résultat ne devait pas être celui-ci à la base. Si nous avions eu plus de temps, nous aurions pu davantage peaufiner les couleurs, les mélanges, les superpositions, les dégradés. Mais nous sommes contents et ce que nous aimons le plus, ce sont les maquettes. Quand on fait de la risographie, il faut faire pas mal de tests parce que quand la roulette passe, tout ne s’imprime pas bien du premier coup. Il faut faire plusieurs passages avant que le résultat soit celui que l’on attend. Fabien a alors eu l’idée d’utiliser tous nos brouillons pour superposer toutes les affiches. Tout est mélangé. C’était vraiment les tests de couleurs.
Propos recueillis par Claire Morin